vendredi 21 octobre 2011

Château Rayas : au royaume de la dentelle

Jeudi soir frisquet sur la terre. Armés de notre souvenir mémorable de la dégustation Gauby, Philippe et moi embarquons Alain sur notre porte-bagage pour reprendre le chemin de Vevey comme on va à Compostelle en vue d'une mystérieuse dégustation : "Autour de Rayas". Que cachaît ces 3 mots intrigants ? Rayas est un nom qui fait rêver tout amateur de vin. Un Châteauneuf-du-Pape considéré comme la Vénus de Milo de la région, hors de prix et réservé à une élite. Notre première idée était de découvrir des vins de domaines situés aux abord de celui de Château Rayas. Mêmes terroirs ? Mêmes influences ? Puis, en regard du prix prévu pour cette dégustation (CHF 90.-), nous avons commencé à rêver. Et si on allait déguster le St-Graal ?

Qui un McDo, qui un Arancini, qui une pizza dans le ventre (on reconnaît ici les grands gastronomes que nous sommes !), nous arrivons chez les frères Siegenthaler. Accueil chaleureux, comme d'habitude, un verre de champage rosé en ouverture, et on prend nos places. Sur la table, une petite fiche de dégustation présentant ce que nous allons boire. YES ! C'est Noël avant l'heure ! 5 Fonsalettes et 2 Pignan, deux vins du domaine Rayas et .... 4 millésimes de Château Rayas, dont un blanc pour finir la soiré. 10 vins qui promettent monts et merveilles ! On est impatient de commencer.

Aucun vin n'a été carafé. Nous commençons par deux vins blancs. Les Château de Fonsalette sont des Côtes du Rhône, mais ils sont vignifiés au Château Rayas.

"Château de Fonsalette blanc", 1996
1996 n'était pas une grande année pour la région. Il a beaucoup plus et il a fait assez frais. C'est un assemblage de grenache blanc (80%), clairette (10%) et marsanne (10%).
CR BL : premier nez un peu grillé, arômes de miel, pommes, légèrement oxydatif. Le nez est bien présent. La première impression est d'avoir affaire à un vin jaune, un vin de paille. En bouche, c'est plus léger, assez rond, soyeux. On retrouve les arômes de pommes, de noix. On ne sent pas l'alcool, il manque de la matière. On croirait définitivement boire un vin jaune. Et comme je ne suis pas un grand fan de ces vins, je ne me bats pas pour en avoir un deuxième verre !

"Château de Fonsalette blanc", 1998
1998 était une année très chaude.
CR BL : on a l'impression que ce n'est pas le même vin ! Le premier nez est un peu fermé. Puis, avec le temps, des arômes subtils d'abricot apparaissent. On a l'impression de voir une fleur qui s'ouvre en accéléré tant les arômes diffèrent à chaque fois que l'on met le nez sur le verre. Cela évolue vers des fruits légèrement confits, des senteurs de plus en plus sucrées. En bouche, il y a nettement plus de matière, les arômes sont plus nets, plus précis. On y trouve du miel, à nouveau l'abricot. C'est beaucoup plus gras, presque huileux. Le vin semble encore très jeune et mérite d'attendre quelques années. C'est un beau blanc qui serait parfait sur du poisson fin.

"Château de Fonsalette rouge", 1997
C'est un assemblage de Grenache rouge (50%), Cinsault (35%) et Syrah (15%).
Avant d'attaquer les rouges, il y a un point important à préciser : il ne faut pas espérer trouver "de la couleur" chez Rayas. En effet, il vendange avec les rafles, ce qui enlève un peu de couleur. Le but recherché est d'amener de la finesse, de la complexité et d'être plus proche du terroir. C'est, selon nos hôtes, ce qui apporte la patine, le soyeux.
CR BL : le premier nez est un peu agressif, on y trouve des arômes de terre. C'est légèrement fumé. On a une petite impression de verdeur, sans doute due aux rafles. En s'ouvrant, on découvre des senteurs de grenadine, puis de poivrons. En bouche, il y a encore pas mal d'alcool. On a des arômes de cassis, de grenade, puis cela vire vers le caramel. il y a une longueur incroyable, une énorme complexité. Petit bémol : l'acidité est encore un peu trop présente. Ce vin a l'air d'un bébé. Il peut dormir encore bien quelques années

"Château de Fonsalette rouge", 2000
CR BL : le premier nez est magique : senteurs de tabac ennivrant. Avec le temps, il part sur les fruits rouges (fraises), puis un peu sur le poivron. En bouche, nous trouvons des arômes de pruneau, de fraises mara. L'alcool est encore bien présent. Il y a une belle finesse, mais cela manque légèrement de complexité. A la première gorgée, la finale est très métallique et courte. Avec le temps, cela évolue vers le café, le tabac froid. Là aussi, c'est beaucoup trop jeune.

"Château de Fonsalette Syrah", 1993
Ce vin est produit à très faible volume. Il n'est pas facile d'en trouver. 1993 a été une année très pluvieuse. C'est l'année des inondations de Vezon-la-Romaine, non loin de là.
CR BL : le nez part sur le poivron, le poireau puis évolue vers le médicament. En bouche, c'est d'abord un peu âpre, la finale part vers le café. Les arômes ne sont pas facilement identifiables. On reconnaît des fruits rouges, mais difficile d'être plus précis. Ce vin reste assez mystérieux. Ce qui frappe le plus, c'est l'incroyable fraîcheur qui se dégage de ce vin. Il a 18 ans, mais, à l'aveugle, on lui en aurait donné 3 ou 4 ! C'est hallucinant !

"Pignan 1995"
Ce millésime est le dernier que Jacques Reynaud, décédé en 1997, a fait dans sa totalité (vigne et chais). Ce château n'est pas le deuxième vin de Rayas. C'est un autre terroir. Mais on est déjà dans du 100% Grenache.
CR BL : le nez évoque des fraises sauvages écrasées. C'est là encore incroyablement vif pour son âge. On y trouve également des arômes végétaux. En bouche, l'attaque est remarquablement soyeuse, mais la finale est plus dure, plus agressive, encore pas mal alcoolisée. Il y a une très belle longueur, la matière est belle. Quand le vin a disparu de notre palais, on a l'impression qu'il reste à manger !

"Pignan 2000"
CR BL : cela n'a rien à voir avec le 1995 ! La couleur est incroyablement tuilée, comme du Cola. On a l'impression que les deux vins ont été inversés ! Le nez fait penser à du sirop framboise pur, avant d'y avoir ajouté de l'eau. On y trouve également des pruneaux confits, du sucre de canne, des effluves de sang, puis, de griottes au kirsh. Il y a une énorme concentration. En bouche, cela fait penser à un digestif (calvados). On retrouve ces arômes de pruneau, mais aussi de pommes distillées.

Après ces "en-cas" qui sont très intéressants, place à la star de la soirée !

"Château Rayas rouge" 1997
De par la localisation et la géographie du domaine, il ne fait jamais trop chaud à Rayas, il y a toujours une agréable fraîcheur. Cette caractéristique fait que, même dans les années chaudes, Rayas ne sera jamais lourd.
CR BL : le vin est très très clair. Le nez est d'une profondeur incroyable. On a l'impression de plonger dans des sables mouvants, cela nous enveloppe. Première constatation : on remarque tout de suite la filiation avec les vins précédents de par la présence de la fraise sauvage qui est bien présente. C'est légèrement sucré, on y sent des parfums de la garrigue. En bouche, c'est très soyeux, satiné, il y a une structure très élégante. En finale, on a des arômes d'agrumes (orange, pamplemousse). Et, je me répète : le fin est incroyablement jeune ! Pour Emmanuel Reynaud qui gère actuellement le domaine, il faut attendre 20 ans avant d'ouvrir une bouteille de Rayas. Le vigneron, qui n'est, paraît-il, pas très commode, peut rayer de la liste des consommateurs qui le boiraient trop jeune !

"Château Rayas rouge" 1998
1998 est considéré comme une grande année.
CR BL : le vin est  assez différent du précédent. Le nez rappelle le caramel fondu. C'est plus chaud, il y a des arômes torréifiés, un peu plus compoté (pruneaux). En bouche, on retrouve un peu ce côté "calvados" du Pignan 2000, mais avec plus de fruits, d'élégance. Il y a égalemnt des arômes d'agrumes, avec une pointe de balsamique. La finale est un peu courte.

"Château Rayas rouge" 2000
CR BL : on retrouve notre fraise sauvage. Le nez est plus discret, mais élégament, bien structuré. En bouche, c'est de loin le plus bel équilibre de tous. Il y a une finesse fantastique, une belle acidité. Seul petit bémol : une légère amertume en finale qui laisse la bouche un peu pâteuse. C'est un merveilleux compromis entre  le 1997 (verdeur) et le 1998 (compoté). C'est de loin le plus beau de tous.

"Château Rayas blanc", 1996
C'est un assemblage de Grenache Blanc (50%) et Clairette (50%).
CR BL : le nez est vif, alerte, légèrement citronné dans un premier temps. Il est légèrement fumé, exhale la poire à botzi (pour les Fribourgeois). En bouche, c'est une fraîcheur incroyable. On retrouve ces arômes de fruits "jaunes", voire même exotiques (léger ananas). Jamais un blanc ne m'a paru aussi soyeux. L'acidité est magnifiquement intégrée, l'équilibre est parfait. Et cela semble pouvoir attendre encore longtemps. C'est, pour moi, la révélation de la soirée. Incroyable.

CONCLUSIONS
Château Rayas est un domaine à part dans les Châteauneuf. Cette appellation peut contenir 13 cépages différents. Et chez Rayas, c'est 100% Grenache. Unique. Ces vins ne sont pas accessibles à tout un chacun. Ils sont caractérisés par leur extrême finesse. Sans doute que, 2- ans en arrière, j'aurais été incapable de les apprécier, car j'étais alors touché par la puissance. Si je ne renie pas ce goût pour la puissance, je suis désormais à même d'apprécier des vins plus fins, plus difficiles, plus complexes. L'entraînement !!!!

En dégustant ce château mythique, je l'ai bien entendu comparé avec l'un de mes plus grands coups de coeur qui est également un Châteauneuf : Château de Beaucastel (bu 2000 et 2001). Et bien, pour être franc, j'ai préféré Beaucastel. C'est plus dans mes goûts actuels, au niveau notamment des fruits noirs et des senteurs de thé noir que j'apprécie tout particulièrement. Et ça tombe bien, c'est nettement moins cher et on trouve en 5 minutes de chez moi, chez DIVO !!!!

Encore une fois, les frères Siegenthaler ont concocté une soirée magnifique. Les vins dégustés ne se trouvent quasiment plus sur le marché. C'est grâce à leur amitié avec Emmanuel Reynaud qu'ils ont pu obtenir ces bouteilles en provenance direct de la cave du château. C'était donc des bouteilles "uniques" pour nous, qu'on ne goûtera sans doute jamais plus dans ces millésimes. Et leur humilité et leur passion devant le vin en font des interlocuteurs et des hôtes très agréables. On reviendra. On a passé une superbe soirée qui s'est soldée par une assiette de viande séchée accompagnée de deux millésimes du premier domaine d'Emmanuel Reynaud : Château des Tours (1997 et 2004), par ailleurs trè intéressant. Il a juste fallu réveiller Alain pour rentrer (il travaille trop, ce petit !). Vivement la prochaine !

mercredi 19 octobre 2011

My birthday: second part

Le retour des festivités, c'était chez mes beaux-parents, pour l'anniversaire également de mon beau-père quelques jours plus tard. Le repas s'est un peu improvisé, et donc, sans être totalement sur le
pouce, s'est fait sans chichi ni tralala. Mais je me chargeais du vin.

Sur l'entrée, un foie gras mi-cuit au pain-d'épice, que nous avions au

congélo (merci Mimi !), nous bûmes un Riesling allemand, de la célèbre maison Dr. Loosen,
un Erdener Treppchen Auslese 2006. Très peu d'alcool, un impression de jus de fruit concentré, une acidité mordante, un très bel accord et un très beau vin ! Nez sur l'ananas confit, la pêche mûre. En bouche, soyeux et direct, frais et fruité, avec de nouveau de l'ananas, fruits de la passion, un sucre discret, très bien contrebalancé par l'acidité. Miam !
Sur le plat principal, un superbe rôti de porc croustillant et parfaitement assaisonné au four (mon beau-père est le roi du rôti !) et ses petits légumes, je sers 2 vins: un grand classique, dans un millésime d'exception:
Castelgiocondo, Brunello di Montalcino 1999. D'abord fermé, il gagne à l'aération. Classieux, austère, élégant et raffiné. Un vin qui ne se livre qu'à ceux qui vont le prendre. Un bouche droite, fine et puissante à la fois, des tannins fondus et bien présents, il fait son âge mais en a encore sous la pédale. Un grand vin !

Le 2ème vin, toujours toscans, revendique des racines nordiques, puisqu'il s'agit du Dromos 2003, du domaine Poggio Verrano. Premier millésime de ce nouveau vin, du nouveau domaine de la Maremma, acheté et bâti par Francesco Bolla. Oui,le Bolla, celui de l'Amarone ! Après avoir légué son domaine à ses fils, il est parti en Toscane prendre sa retraite, et il est tombé amoureux de cette terre qui verra naître son Dromos quelques années plus tard.
Assemblage de Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc, Syrah, Merlot et Alicante, nous sommes donc en présence d'un Super Toscan. Et ça se sent tout de suite: arôme grillés, nez puissant, un peu alcooleux, fruits noirs. En bouche, soyeux et riche, chaud, mais un peu déséquilibré, court, écoeurant presque. Manque d'élégance, de finesse
. Tannins abrupts. Je mets ça sur le compte de l'aération, mais rien n'y fait. Le vin évolue même mal. Ce n'st pas le Dromos que je connais, et je penche vers un défaut, une altération légère. J'espère que les suivantes ne seront pas comme ça, même s'il n'était pas franchement mauvais non plus.
Bon, place
aux fromages, qui ont toujours une place importante à table ! ;-)
Je sers
un vin ibérique cette fois, qui devrait être suffisamment puissant avec ses
15%: Casa Cisca, de la Bodega Castano, un "simple" vin de table non millésimé pour cause de non-respect des AOC locales: c'est un 100% Mourvèdre. Le producteur numérote ses bouteilles et laisse les 2 derniers chiffres exprimer le millésime. Nous sommes donc sur un 2003.
Wahou. D'abord timide, il laisse gentiment exprimer sa puissance après plusieurs heures: nez profond sur des fruits noirs mûrs, des notes mentholées, balsamiques, épicées. En bouche, matière somptueuse, richesse aromatique, plénitude et malgré tout de l'élégance, même dans ses tannins un peu rustique et vifs. C'est qu'il serait presque un peu jeune le bougre ! Mais il nous a donné en tout cas beaucoup de plaisir en fin de repas...et du coup, pas de dessert !!

Philippe