vendredi 9 septembre 2011

Verticale de la Muntada de Gauby (1998-2009)






Jeudi dernier, armés de notre soif de découverte et de notre curiosité, Philippe et moi nous sommes rendus à une dégustation chez "Le Millésime" à Vevey : verticale de "Muntada" de Gauby. Alléchant programme. Comme notre seule expérience de ce vin réputé avait été des plus positive (un 1999 qui nous avait enchanté), nous étions impatients d'en connaître un peu plus.


Avant d'entrer dans le vif du sujet, une première remarque : c'était la première dégustation que nous faisions à Vevey et force est de constater qu'ils "savent recevoir". L'accueil était parfait, l'ambiance très sympathique (on devait être une petite vingtaine) et les frères Siegenthaler, qui connaissent bien Lionel et Gérard Gauby, sont très accessibles, passionnés et aiment partager leurs coups de coeur. De plus, ils n'ont pas lésiné sur les quantités : les verres étaient bien servis et on pouvait se resservir sans autre. Une assiette de viande séchée a clos la dégustation avec les fonds des bouteilles. Bravo pour l'organisation et l'accueil, on reviendra (cf. programme sur la droite).

En "amuse-bouche" nous avons commencé par "Vieilles Vignes 2009" que l'un des frères avait rapporté le jour-même du domaine.
CR BL : Le nez est vif, arômes de prunes, vanille. La bouche est encore serrée, l'alcool bien présent (normal pour un vin si jeune), senteurs de terre avec une finale assez minérale. Le vin est assez prometteur.
CR PM : Nez sur les fruits noirs, pruneaux, cerises. Bouche vive, précise, nette. Un peu jeune, mais belle acidité, marquée, fraîche. finale peu tannique, minérale.

Puis, nous avons enchaîné avec le "Muntada 2009" (45% Grenache, 50% Carignan, 5% Syrah)
CR BL : le premier nez tire sur le bonbon, la vanille, puis il devient plus animal. La bouche voit, dans un premier temps, des tannins peu présents, peu de complexité, un peu plat. Nous avons laissé ce vin dans le verre jusqu'à la fin de la soirée. 2h plus tard, le nez a bien évolué, sur des notes de grenadine, fruits rouges. Le vin avait plus de corps, un peu plus de tannins et le fruit était plus beau. Après une première impression un peu négative, nous avons revu notre jugement en fin de soirée : le vin est prometteur, mais doit être oublié pendant 5-6 ans.

CR PM : Une expérience fascinante: à peine servi, pourtant ouvert depuis plusieurs heures, le vin n'était que l'ombre de lui-même: nez sur la levure, le pain frais. Une point animale. Pas de fruit. La bouche était fermée, maigre, acide, sans tannins. Fermé sans âme, bref, vraiment pas top. Je laisse le verre de côté, pour y revenir tout au long de la soirée. Et là, au fil des minutes, des heures, transformation !! Il finira par tenir une promesse de longue longévité en révélant des tannins puissants et une grande structure, une belle acidité, une matière fruitée et élégante. A attendre donc, et plutôt 15 ans que 10 ! Grand millésime.

Il est a signaler que ces deux premier vins n'ont pas de soufre ajouté. Pour voir si le vin va tenir sans soufre, Gauby le met près de la cheminée, fait monter la tempéraure à 40°C, le refroidit, puis le goûte. Il réitère cette opération 4-5 fois. Si le vin ne bouge pas, il n'ajoutera pas de soufre. Si, par contre, il y a une évolution négative, il en mettra un peu. Ce n'est donc pas un choix systématique, mais en fonction de ce que la nature propose.




Après ces dégustations des vins qui viennent de sortir, retour dans le passé avec le début de la verticale.

"Muntada 1998" (100% Syrah, culture biologique)
CR BL : nous étions impatients de goûter ce vin, puisque, lors de la dégustation avec Alain, le vin était bouchonné. C'est le dernier millésime qui est 100% Syrah. Par la suite, il va régulièrement réduire la part de la Syrah pour n'en laisser que 5% dès le 2008. Le nez est assez vif, bien sur le fruit, avec un peu trop de vanille. La bouche est gourmande dans un premier temps, notes d'épices de Noël. Mais, il manque de "pêche", de complexité, la finale est courte, un peu aqueuse. On ne retrouve pas cette vivacité si chère aux Syrah. Le pic de ce vin a l'air passé, il est sur la pente descendante. Dommage, la bouche ne tient pas les promesses du nez.
CR PM : Nez sur le pruneau, le pain d'épice, l'anis. Bouche souple, manquant de définition, de tension, de tenue. Attaque un peu molle, tannins très fins, un peu aqueux en finale. Vin ayant certainement passé son pic de dégustation, mais non dénué de charme.

"Muntada 1999" (60% de Syrah, 20% Grenache, 20% Carignan)
En 1999, Gauby amorce un virage. Il veut aller vers des vins plus fins, plus élégants.
CR BL : allions-nous retrouver le plaisir que nous avions eu lors de notre précédente dégustation de ce 1999 ? La réponse est malheureusement non. Le nez est très animal, "chevalin", mais avec une belle structure. En bouche, il y a encore une acidité bien prononcée, la finale est courte, à nouveau un peu aqueuse. Nous avons goûté une deuxième bouteille qui était plus intéressante : le tout était un peu plus nerveux, avec plus de fraîcheur que le 1998. Un peu trop d'amertume en finale.
CR PM : La première bouteille qui nous est servie nous laissent perplexent: c'est le millésime que nous avions goûté 2 semaines auparavant, et la première rencontre avec ce vin. Mais là, impossible de reconnaître le même vin: beaucoup moins complexe, nez sur le cuir, la lard fumé, la viande. En bouche, acidité marquée, tannins trop fins, courts. Certains autour de la table évoquent le bouchon...finalement, on nous sert une 2ème bouteille, qui se révèle nettement supérieure: nez sur le fruit noir et rouge, bouche élégante mais puissante, tannins accrocheurs, acidité nette et fine. Meilleur, mais pas au niveau de la bouteille dégustée 2 semaines avant.

"Muntada 2000" (40% Syrah, 30% Grenache, 30% Carignan)
CR BL : Nez vanille, très animal, chaud. En bouche, l'ensemble est déséquilibré, un peu agressif (monte dans le nez), l'amertume dérangeante. Vin décevant.
CR PM: Nez sur des arômes grillés, un peu déséquilibré. Pareil en bouche, début d'évolution, un peu chaud, fruits aigres, acidité dérangeante. A oublier.

"Muntada 2001" (30% Syrah, 35% Grenache, 35% Carignan)
En 2001, Gauby passe pour la première fois en biodynamie.
CR BL: premier nez un peu épuré, écurie, puis l'ouverture se fait vers les fruits noirs, la réglisse. Il y a un très belle fraîcheur en bouche, c'est vif, les tannins sont plus fins, c'est bien structuré, la matière est belle, c'est très soyeux. Mon premier coup de coeur de la soirée. C'est un vin magnifique.
CR PM : Premier grand millésime ! Nez superbe, profond, complexe, chaud et velouté. Attaque soyeuse, puissante , structure importante, tannins serrés mais très présents. Belle fraîcheur, beaucoup de terroir, de race. Encore pas mal de potentiel de garde !


"Muntada 2002" : année où il y a eu beaucoup d'humidité
CR BL: c'est le vilain petit canard de la soirée, quasi imbuvable. Le nez est oxydé, repoussant. Ca sent les pieds comme dirait notre voisin. Le tout est destructuré, réduit... Affreux. A oublier au plus vite !!!!
CR PM : Nez évolué, cuir mouillé, oxydation. En bouche, acidité marquée, difficile d'aimer ce vin...

"Muntada 2003" : c'était une année très sèche. C'est également la première fois que Lionel intervient dans la vinification.
CR BL: le nez est fruité, vanille, moins animal que les autres (d'ailleurs, depuis ce millésime, l'animal disparaît au profit du fruit, sans doute à cause de l'âge, mais peut-être grâce à une technique différente qui s'affine). La bouche est "sucrée", un peu bonbon, pas très naturelle. Mais la matière est belle, on sent bien le fruit rouge (ce que personnellement j'adore), l'acidité est élégante. C'est à nouveau très soyeux, frais et la finale s'allonge. Légèrement inférieur au 2001, mais une belle réussite.
CR PM : Millésime chaud. Vin riche, nez sur l'alcool, chaud. Au final, assez gourmand, facile d'accès, plutôt réussi.

"Muntada 2004" : ce vin tire à 12% !
CR BL: le nez est élégant, fruité, magnifique. Parmi les plus beaux nez jusqu'à maintenant. Mais, grosse déception en bouche : c'est trop acide, il y a une impression de raisons pas mûrs, comme s'ils avaient été récoltés trop tôt. C'est presque citronné, désagréablement minéral. Avec un nez pareil, on s'attendait à grand. Malheureusement, pour moi, ce n'est pas bon du tout.
CR PM: Comme nous l'explique notre hôte, nous sommes ici en présence du millésime le plus austère et dépouille de Muntada. Il le compare à un coureur de fond, sec et décharné. La comparaison est absolument parfaite: Nez superbe, élégant, éthéré très subtil. Le vin est presque transparent, faisant penser à un pinot. Corps très léger, tout en légéreté, un peu "vert", austère. Manque un peu de matière, allant droit au but. Non dénué de charme, mais pour amateur averti ! Sans explication, on a beaucoup de chance de passer à côté du vin.

"Muntada 2005" : depuis cette année, Gauby a changé de tonnelier (Stockinger, autrichien), ce qui semble avoir une grande influence sur ses vins.
CR BL: le nez est très élégant, très bien structuré, net, précis. En bouche, cette structure se confirme, l'équilibre est remarquable, la matière magnifique. Les tannins sont peut-être encore légèrement trop présents, mais il y a une fraîcheur incroyable. Ce vin a encore un potentiel énorme. C'est grand.
CR PM : Nez sur le fruit, jeune, vif. Très bel équilibre olfactif. En bouche, de nouveau cette jeunesse insolente, cette acidité vive, ces tannins présents et acérés, mais une matière magnifique, et une promesse d'un grand vin à venir.



"Muntada 2006" : année de grande fraîcheur
CR BL: le vin est très clair (comme du Bourgogne). La raison en est que, depuis 2006, le raison n'est plus éraflé et c'est la rafle qui fait perdre un peu de la couleur du vin. Nez de fruits rouges, très frais. La bouche est délicate, on retrouve les fruits rouges, mais l'alcool très présent est un peu dérangeant. C'est sans doute le vin le plus fin que nous ayons bu. Il y a de la longueur, la finale est bien tendue, nette. Seul bémol à mes yeux : cela manque un peu de matière (comme les Bourgognes !!!).
CR PM : Un de mes préférés. Un nez d'une très grande finesse et élégance, on est transporté en Bourgogne, chez les grands ! Très aromatique, sans aucune lourdeur, une bouche très tendue, très dessinée, un équilibre parfait.: plus besoin de parler des arômes, on est dans l'extase devant telle élégance et finesse.

"Muntada 2007" : millésime chaud
CR BL : le nez est assez alcoolisé, avec des arômes de vanille, fruits rouges, légèrement floral. La bouche a plus de puissance que le 2006. Il y a une belle charpente, l'acidité est prometteuse, les fruits rouges ressortent bien. Très gros potentiel dans ce vin. A déguster dans 6-7 ans.
CR PM: On revient sur un vin plus riche, plus dense, ce qui n'est pas un problème ! Plus de structure, plus de jeunesse aussi, fruits rouges, épices, cuir délicat.

"Muntada 2008" : c'est, selon Gauby, un millésime d'équilibre. Depuis ce millésime, les rôles sont clairement définis : Gérard est dans la vigne, Lionel dans le chais. C'est le premier millésime où il n'y a pas de soufre ajouté. Et la Syrah ne représente plus que 5%.
CR BL : nez floral, violettes, lilas, puissant. Le nez est juste fantastique. En bouche, c'est tendu, enveloppant (ça tapisse toutes les parois de la bouche), serré, la matière est impressionnante. C'est un millésime à carafer car il y a un peu de gaz carbonique.
CR PM : définitivement le plus beau nez de la soirée, et l'un des nez les plus envoûtants qu'il m'ait été donné de respirer. C'est enivrant, puissant, délicat, équilibré, sur le floral, la rose, la violette, les fruits rouges. En bouche, un petite note de carbonique au début, trahissant la jeunesse extrême, puis après aération, c'est un festival de réglisse, framboises, fleurs, etc...de nouveau un équilibre ahurissant, une élégance et finesse hors du commun.

Conclusions
BL : Cette verticale était très intéressante. On a bien pu se rendre compte de l'évolution de la philosophie de Gauby. Plus les années passent et plus le vin devient soyeux en bouche. Personnellement, je n'attendrais pas 10 ans avant de les boire. Je les boirais alors qu'ils sont encore sur le fruit, car c'est ce que je préfère. Ces Muntada sont des vins remarquables, mais ils restent cependant trop cher, je trouve. Je paierais volontier CHF 50.- pour ces vins, mais plus de CHF 100.-.... Selon les prévisions, 2010 devrait être fantastique (Alain, achète !!!!), alors que 2011 devrait être légèrement inférieur.
PM : Difficiles à boire en jeunesse, car trop d'acidité et peu de complexité, mais aussi difficile de trouver le bon moment, tant ces vins sont versatiles, délicats, durs d'accès. Pas étonnant qu'ils soient décriés, tant la philosophie qui se cache derrière est hors norme. Sans explication, je serais passé complètement à côté. Le sous-titres sont nécessaire pour comprendre et aimer, ou même juste apprécier ce cru. Alors trop chers ? Au vu du travail, non. Au vu du nombre d'amateurs que cela peut intéresser , certainement. Mais là n'est-il pas justement la caractéristique des vins d'exceptions, de ceux qui touchent et restent gravés dans nos papilles ?






2 commentaires:

  1. RRRR je serais bien venu ! Mais belle description de Bertrand !
    Tu en prends 2 de 2010 avec moi ?

    PS: j'ai encore une bouteille de 1998, dépêcher vous de venir la boire ...

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